Gouvernance et digitalisation : quand le secteur privé pousse l’État à la transparene

La rencontre du 11 juin dernier entre le Ministre de l’Économie numérique, Mark Alexandre DOUMBA, et la Fédération des Entreprises du Gabon (FEG) aurait pu n’être qu’une énième discussion technique sur la modernisation économique.
Pourtant, derrière les termes de « digitalisation » et d’ »infrastructure », c’est un appel politique fort qui a été lancé par le patronat gabonais. Utiliser le numérique comme un levier pour la transparence et l’assainissement de l’environnement des affaires.
Si le gouvernement a initié la rencontre pour « accélérer la transformation numérique », les demandes formulées par la FEG révèlent des préoccupations bien plus profondes que la simple adoption de nouveaux outils.
L’utilisation du numérique réclamée par le secteur privé, pour une meilleure « traçabilité des données », pointe du doigt l’opacité administrative, les lenteurs bureaucratiques et les risques de favoritisme.
La « traçabilité » : un mot-clé contre l’opacité

Exiger la traçabilité numérique pour la « création d’entreprises » et « l’attribution des marchés » est un appel à peine voilé à mettre fin aux circuits parallèles et aux décisions discrétionnaires.
Il s’agit d’implémenter des plateformes en ligne où chaque étape d’un appel d’offres serait visible, où les critères d’attribution seraient clairs et où les délais de création d’une société ne dépendraient plus du bon vouloir d’un fonctionnaire, mais d’un processus automatisé et impartial.
La demande d’une « radiation automatique en cas de licenciement » vise par ailleurs à lutter contre les entreprises fantômes ou celles qui ne respectent pas leurs obligations sociales. La création d’une base de données fiable et connectée entre les différentes administrations (CNSS, Impôts, etc) est donc de mise.
Un nouveau contrat de confiance

Cette posture offensive du secteur privé illustre le fait que pour les entreprises, l’investissement ne dépend pas uniquement d’une bonne infrastructure, mais aussi et surtout d’un climat de confiance.
Un environnement où les règles du jeu sont les mêmes pour tous, où l’information est accessible et où l’administration est un partenaire efficace plutôt qu’un obstacle.
La réponse positive du Ministre, qui a salué cette « volonté de synergie », est un signal encourageant.
Elle suggère que le gouvernement est conscient que la transformation numérique ne peut réussir sans une réforme en profondeur de ses propres pratiques.
Le numérique n’est plus seulement une question de compétitivité économique, mais devient un instrument de bonne gouvernance.
Les défis d’une révolution transparente

Le chemin est encore long. Mettre en place de tels outils exigera une volonté politique sans faille pour surmonter les inévitables résistances au changement au sein de l’appareil d’État.
Cela nécessitera également un cadre juridique robuste pour garantir la sécurité des données et leur force probante.
La réunion du 11 juin a donc posé bien plus que les « bases d’une coopération stratégique ». Elle a esquissé les contours d’un nouveau pacte social et économique où la technologie servirait d’arbitre impartial.